Un texte de Damien Moreira écrit à l'occasion des deux expositions d'Elsa Tomkowiak au Frac des Pays de la Loire (novembre 2011) et à la chapelle du Genêteil à Château-Gontier (février 2012).
Les coups de peintures sont roses et la salle vibre rouge. Campée dans ses Doc Martens tachetées qui en ont vu d'autres, un imperméable de fortune découpé dans une combinaison jetable de peintre en bâtiment porté pour la forme, à la main un balais rosit de peinture onctueuse, Elsa Tomkowiak est face aux murs blancs. Action ! Un geste vif. Eclaboussures ! Premier jet et le mur saigne rose fluo. Elsa recharge le balais, arme son coup, et dans un élan envoie promener la matière sur le mur et le plafond, insiste à l'angle du mur et du plafond. Le balai dégouline en une douche colorée. Nouvelle attaque, nouvelle angulation, la matière imprime le geste portéau plus loin. De la peinture plein les mains, l'artiste peint un disque de couleur. Le mur, le sol et le plafond sont recouverts de traces désinvoltes d'un rose balan...
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Un texte de Damien Moreira écrit à l'occasion des deux expositions d'Elsa Tomkowiak au Frac des Pays de la Loire (novembre 2011) et à la chapelle du Genêteil à Château-Gontier (février 2012).
Les coups de peintures sont roses et la salle vibre rouge. Campée dans ses Doc Martens tachetées qui en ont vu d'autres, un imperméable de fortune découpé dans une combinaison jetable de peintre en bâtiment porté pour la forme, à la main un balais rosit de peinture onctueuse, Elsa Tomkowiak est face aux murs blancs. Action ! Un geste vif. Eclaboussures ! Premier jet et le mur saigne rose fluo. Elsa recharge le balais, arme son coup, et dans un élan envoie promener la matière sur le mur et le plafond, insiste à l'angle du mur et du plafond. Le balai dégouline en une douche colorée. Nouvelle attaque, nouvelle angulation, la matière imprime le geste portéau plus loin. De la peinture plein les mains, l'artiste peint un disque de couleur. Le mur, le sol et le plafond sont recouverts de traces désinvoltes d'un rose balancé, d'un rose flamboyant. L'engagement est physique. L' immersion est totale. La couleur et la lumière bouleversent les limites du lieu. L'espace est transformé. Les angles disparaissent et ce disque coloré nous englobe et nous trouble... Malgré la rapidité et la violence de la réalisation, Elsa ne mène pas un combat contre la peinture ou le support, elle s'immerge au plus vite dans la couleur toute entière ; de ce corps à mur naît une étreinte.
Le disque rose est le point de départ. En son centre, deux disques de couleur, de taille identique au premier, s'effleurent et s'étirent sur le sol et le plafond. Par un système de hachures, comme les légendes d'une carte de géographie, les couleurs se superposent et vibrent d'une nouvelle intensité. La composition, cette rosace trop grande, est un patron gigantesque plié sur les angles de la pièce et contraint dans l'espace. Les dimensions semblent prévues pour un autre lieu. Invitée à exposer à la Chapelle du Genêteil en février 2012, Elsa envisage de redéfinir l'espace avec une installation de bandes de plastique colorés et par l'agencement de celles-ci souligner l'arrondi du plafond et créer ainsi des cercle perceptibles en déambulant dans l'espace. La rosace représentée au Frac des Pays de la Loire est un schéma, une représentation à l'échelle, un jeu de composition de ces disques. Dans un lieu une avancée dans la peinture, dans un autre une confrontation directe avec la couleur et la forme. Dans les deux cas, la couleur est projetée au delà des limites de l'espace, le lieu perd sa fonction et devient support.
A l'entrée de la salle Mario Toran, une sculpture, structure de placoplatre, crève ou tombe du plafond et se répand en cassures, bris et gravats. Un côté organisé, vertical statique, s'oppose à l'autre martelé, arraché, fracturé où des formes cylindriques prélevées se dessinent. L'ensemble est bombé de peinture, des filons de couleurs le parcourent, et chaque couleur joue avec les accidents, les accrocs, les heurts. La matière est extirpée à coup de marteau, extraite ou modelée. Un carottage semble avoir été effectué et ce prélèvement nous plonge non devant le constat du relevé, mais bien dans le trou, dans l'excavation même. Les couleurs, comme un écho, se répandent dans les escarpements de cette roche factice, artificielle. Ce chaos orchestré permet des mélanges et la palette saturée, vive, parfois agressive joue de nuances et de confrontations.
Il n'y a pas de face aux installations d'Elsa Tomkowiak, mais une pénétration directe, une confrontation physique sans préliminaire. Il faut être disposé et disponible ; du premier pas résulte le second. Il faut se plaire dans le charme des teintes, se laisser déranger parfois avec délectation par l'épine inharmonieuse, irritante, dont la gêne : nouvelle expérience vite accommodée, permet de surmonter l'a priori et de se laisser porter par ce choix singulier, en réclamer peut être encore afin de mieux se glisser dans la couleur.
Damien Moreira