De l’entretien d’artiste à la publication. La vie d’un discours artistique
Mes questionnements s’enrichissent d’un besoin légitime d’archiver, de construire une trace, de retranscrire des moments parfois futiles, discrets, improvisés ou au contraire organisés, mis en scène, minutés et préparés. Ces instants de discussions font valoir la rencontre d’artiste. C’est un évènement qui se déploie par, la parole, les questions et le dialogue engagés, les gestes, et le lieu, mais aussi la durée et la fréquence des échanges. L’archive intervient dans un deuxième temps et élabore un témoin par l’écriture, la prise de notes ou la retranscription.
Comment puis-je réaliser un document et produire une forme pérenne de discours comme prolongement de la pratique artistique ?
L’archivage se développe par analogie, comme un nouveau profil de production. Il se positionne comme pratique mémorielle ou étape d’un processus. C&rs...
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De l’entretien d’artiste à la publication. La vie d’un discours artistique
Mes questionnements s’enrichissent d’un besoin légitime d’archiver, de construire une trace, de retranscrire des moments parfois futiles, discrets, improvisés ou au contraire organisés, mis en scène, minutés et préparés. Ces instants de discussions font valoir la rencontre d’artiste. C’est un évènement qui se déploie par, la parole, les questions et le dialogue engagés, les gestes, et le lieu, mais aussi la durée et la fréquence des échanges. L’archive intervient dans un deuxième temps et élabore un témoin par l’écriture, la prise de notes ou la retranscription.
Comment puis-je réaliser un document et produire une forme pérenne de discours comme prolongement de la pratique artistique ?
L’archivage se développe par analogie, comme un nouveau profil de production. Il se positionne comme pratique mémorielle ou étape d’un processus. C’est l’un des points de départ de cette chronique. Aujourd’hui, j’expérimente encore la parole d’artiste, ainsi que la mienne. Essentielle dans les procédés de création, l’enjeu principal, est de la diffuser, pour l’ancrer dans une chronologie à différentes échelles (expositions, résidences, éditions). Elle doit être visible et accessible. J’essaye de systématiquement produire un témoignage. C’est un apprentissage dans le temps et une véritable expérience de l’oralité et de ses outils. Fabriquer un repère temporel me permet de donner un sens à mes actions, mais aussi de mieux comprendre ce qui porte la volonté artistique au-delà de l’espace d’exposition.
En ouvrant le travail d’Anaïs Touchot vers le discours artistique, plusieurs documents ont été réalisés pendant deux ans. Nous avons vécus cette expérience en binôme, en ne sachant pas vraiment quoi faire des premières réalisations. Au fur et à mesure des retranscriptions, un sens commun s’est distingué.
Février 2013 - première tentative d’entretien filmé.
Février 2014 -
L’entretien est retranscrit et rédigé puis diffusé.
Dix minutes d’enregistrement équivalent à une heure de réécriture en moyenne. Les secondes de dialogue sont décortiquées, réécoutées encore et encore pour capter le moindre mot qui pourrait donner vie à l’entretien. Tout retranscrire, inventer, manipuler la parole, la transformer, l’ajuster, garder une certaine oralité quand l’écrit préfère un autre discours.
Cette réinterprétation se manie prudemment car la parole brute ne peu être livrée telle quelle. Au risque, de faire des choix, d’occulter le sens, la direction ou l’intonation je me saisie de ces propos, en les abîmant le moins possible pour ainsi produire une nouvelle lecture du travail de l’artiste.
Je consacrais l’année dernière une web-expo à Anaïs Touchot en lui proposant d’y associer cet entretien. Cette étape de diffusion et d’édition se retrouve mise en avant sur le site www.bioretexpos.com.
Juin 2015 -
Anaïs Touchot a été sollicitée dans Le Grand Livre du Wood, quelques raisons d’avoir confiance . Un extrait de notre entretien a été choisi pour illustrer son travail du bois.
Cette troisième étape de manipulation sort complètement de son contexte le discours. Cette sélection, réinterprète une énième fois la parole de l’artiste. Cet extrait parle de la pièce, Si j’étais démolisseur. Un travail de performance répétitive, de construction puis de destruction sur un cours laps de temps.
Saisir un instant du discours artistique n’est pas un acte anodin. Il révèle un pouvoir et non des moindres, celui de construire à sa guise, la direction d’interprétation souhaitée. Les propos sont malléables mais il est surtout nécessaire de rester au plus proche de l’artiste, de ce qui lui correspond, de ce à quoi il sera sensible lorsque sa parole sera proposée au public.
Anaïs Touchot me parle de sa pratique, de sa fascination pour les habitations et de ses influences géographiques, mais aussi de la personne qu’elle est et ce à quoi elle aspire. Ces moments d’intimité doivent être partagés et montrés avec toute la maîtrise nécessaire, de la même façon que l’une de ses œuvres serait montrée de telle ou telle manière.
Et même si je cherche au mieux à livrer l’ambiance des échanges menés, le souvenir reste l’une des étapes essentielles dans la retranscription. Je m’en souviens, nous avons parlé pendant trois heures, entourés d’un appareil photo posé dans le sapin de Noël et de d’une caméra calée sur une pile de livres. L’une d’elle ne s’est pas réenclenchée, nous avons égaré 25 minutes d’enregistrement, une partie du dialogue s’est alors évaporée…
Dir. David Bruto, Le Grand Livre du Wood, quelques raisons d’avoir confiance, tome 2, Ultra Editions, 2015, Gand